samedi 1 mars 2008

Mademoiselle Camomille

Mademoiselle Camomille, a toujours voulu être maîtresse. Depuis sa plus tendre enfance, de laquelle elle n'est toujours pas vraiment sortie, elle se rêve à écrire au tableau. Déjà, elle alignait ses poupées pour mimer une classe, auditoire de vinyle et de celluloïd qui ne moufte pas. Elle leur dictait "Martine à l'école".
Mademoiselle Camomille est la gentillesse même. Elle est polie, bien élevée. Jamais une vulgarité ne sortira de sa petite bouche discrètement mise en couleur et au contour parfaitement dessiné.

Elle est toujours élégamment vêtue, dans une de ces petites robes qu'on eût dit sages mais un brin provocantes quand même . C'est que Sa Gentillesse Camomille a passé avec grâce l'adolescence, que la Nature, mais aussi une stricte et austère hygiène de vie, lui ont modelé des courbes harmonieuses. Pas d'alcool, pas de café (elle déjeune encore un lait chocolaté chez sa maman), pas de tabac, pas de choucroute... Rien de ce qui est bon. Elle passe des heures sur son cardio-training et a acheté Sport-électr au téléachat. Toujours bien peignée, elle va voir sa copine d'enfance qui est devenue coiffeuse. C'était son rêve aussi. Elle avait deux ambitions : "coiffeuse" ou "maîtresse"...

L'autre jour, elle parlait de son chéri. Un triste sire, celui-là aussi. Un éphèbe qui gagne bien sa vie avec un BTS commercial. Il bosse à EDF. Il a de la chance, lui aussi est mignon. (C'est elle qui le dit). Avec sa tête vide et ses habitudes de vieux con...
Mademoiselle Camomille et son chéri ont prévu de se marier. Ce sera la fête, tout est prévu. Le scrap-booking, les amis, le DJ, la robe... Oh ça va être joli !!
Mais sous ses airs prudes, elle ne parle que de cul, la garce ! Sans obscénité, ni provocation, non ! Ce n'est pas du tout le genre de la maison. Mais innocemment. Elle utilise la métaphore, la litote, la métonymie, tout ce qu'on peut trouver en rhétorique.
"On a fait un petit câlin" signifie : "je l'ai sucé et il m'a mis un doigt dans le cul"...
"On a fait un gros câlin..."
, il faut comprendre : "il m'a prise et culbutée comme un soudard"...
Et elle dit ça à table, discrètement de sa voix aiguë, en minaudant.

Dans sa classe, tout est mignon : les affiches, les petits bouquets, les petites fleurs...
Dans les cahiers, on trouve des photocopies à foison. Elle adore lakanal. C'est trop bien, elle dit.
Alors elle repompe tout sans discernement (ce n'est pas son point fort, le discernement).
Les pages de garde ? Elle les fait elle même, à l'ordinateur. "Oh ben oui, sinon, c'est moche. Et puis comme ça, je n'ai pas à tout faire à la main." Des photocopies, des photocopies. Melle Camomille est la reine de la photocopie. Même pour deux lignes d'écriture, la photocopie. Les modèles d'écriture ? Elle utilise la police Cursive qu'elle a trouvé sur internet. Elle ne se rend pas compte que ces modèles sont nuls, mais surtout, elle se prive de donner un vrai modèle à ses élèves. Mais bref. Elle refuse de l'entendre.
Elle passe des heures à préparer son "cahier-journal". Je ne la blâme pas, c'est bien. Mais qu'y trouve-t-on ? Du futile, de l'inutile, du superfétatoire. Et elle se plaint d'y consacrer beaucoup de temps ? Oui elle travaille beaucoup, mais pour faire des trucs qui rivalisent d'inutilité et d'inefficacité.
Mademoiselle Camomille fait sa classe comme elle en rêvait, et se calque sur son modèle, son ancienne maîtresse. Elle ne cherche pas à mieux faire, puisqu'elle est perfectionniste.
Dans cette classe rose bonbon, les élèves dénotent.
C'est le fabuleux destin de Mademoiselle Camomille.


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